« Demain, mon anniversaire » est le titre donné par Carbone BENI à une publication faite sur le réseau social Facebook à la veille de son anniversaire ce 15 août 2018.

Carbone BENI est l’un des leaders du mouvement citoyen FILIMBI, un mouvement qui milite pour le retour à l’ordre constitutionnel en RDC mais surtout pour un changement profond de la société congolaise.

Dans cette lettre, Carbone a choisi de raconter avec beaucoup d’humanité les moments les plus difficile liés à son engagement et les sacrifices auxquels il consent en pleine conscience pour servir un idéal que rien ne pourrait ébranler : l’avènement d’un Congo fort qui défende les valeurs fondamentales de liberté et de dignité de tous les congolais. 

Dans ce texte, nous découvrons l’homme, l’époux, le père, le fils et le militant engagé, injustement incarcéré avec d’autres jeunes militants par un pouvoir dictatorial qui réprime et élimine systématiquement tous ceux qui crient haut et fort les aspirations profondes de tout un peuple : un mieux-être et un mieux-vivre.

Enfin, cette lettre est une nouvelle fois l’occasion d’attirer l’attention des amis du Congo sur la prison à ciel ouvert qu’est devenu ce pays où tout homme et toute femme engagé pour le changement est traqué par les services de renseignements, incarcéré de manière illégale, contraint à vivre en fugitif dans son propre pays ou encore forcé à l’exil.

Je salue ici avec beaucoup d’admiration le courage de tous ces jeunes qui militent en RDC et en dehors de la RDC, connus, moins connus ou anonymes, mais dont la lutte inspire toute une nation.

Cher Carbone, j’ai pris la liberté de modifier quelque fois la mise en forme de ton texte original, sans en modifier l’esprit, afin d’en rendre la lecture plus souple. Veuille m’en excuser.

Restons debout, le peuple gagne toujours !

Dr Didier Kamidi Ofit


 

Chers frères et sœurs,

A cause de mon combat et de mon engagement pour l’instauration d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo, l’éveil des consciences et le changement intégral et radical, j’ai vécu les pires moments de la vie qui pourraient faire l’objet d’un bon film hollywoodien.

Ces sont des moments des fois regrettables qui affectent mes proches, surtout ma mère et ma tendre épouse. Mais on n’a pas d’autres choix que de continuer.

Je souligne que, sans le goût du risque, sans le sacrifice, le courage et l’oublie de soi, aucun leader ne pourra espérer changer les conditions de vie de ses contemporains et impacter positivement sa génération ainsi que l’histoire.

Ci-dessous, je tiens à partager avec vous une petite sélection chronologique des dates qui m’ont marquées, des moments qui m’ont manqué et dont je n’ai pu profiter à cause du combat, à cause de la lutte. Des dates  à jamais gravées dans ma mémoire.

Noël du 25 décembre 2016

Je l’ai passé dans des conditions inimaginables et inhumaines. Loin de mon épouse, de mes enfants et loin de ma mère. J’étais arrêté deux jours avant, gardé dans une cellule souterraine, obscure, isolée.  On m’avait arraché tous mes habits pendant une dizaine de jours, au CAMP TSHIATSHI.  J’étais en compagnie de Chris Shematsi et Samuel Bosasele.
MOTIF : Avoir demandé le départ de Mr Kabila qui était déjà en fin de mandat.

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Nouvel an du 01 Janvier 2017 

Je l’ai passé dans une cellule humide appelée GUATANAMO de l’Agence Nationale des Renseignements : l’ANR.

Ça faisait 18 jours sans aucune nouvelle de ma famille et surtout sans nouvelles de ma fille cadette qui n’avait que 10 mois. J’étais exposé à tout mauvais traitement.

 

L’anniversaire de ma mère, le 07 janvier 2017

Je l’ai passé toujours en prison, dans les mêmes conditions que le 01 janvier.

Mon anniversaire, le 15 août 2017

Je l’ai passé loin de mon épouse et de mes enfants. J’étais en France, à 8000 km de mon pays, en session de travail pour la production du Manifeste du Citoyen Congolais ESILI, précurseur des activités du CLC (Comité Laïc de Coordination) et pour une étude des actions pacifiques à mener en RDC pour le retour à l’ordre constitutionnel.Capture d_écran 2017-09-02 à 21.17.44

J’étais en compagnie d’amis tels que : Floribert Anzuluni, Mukulu NsapuLéonnie KandoloGeorges KapiambaJean Claude KatendeCedric MalaHerve DiakieseChristelle Vuanga, Sindika Dokolo, Edouard Diyi et bien d’autres…

 

Réveillon du 31 décembre 2018

Je l’ai passé dans une cellule obscure et sale après un long interrogatoire dans les locaux des services spéciaux IPCRIM. Enlevé le 30 décembre avec mes compagnons de lutte MinoCedricGrace ainsi que mon jeune frère Ariel Béni.

MOTIF : Arrêté parce que nous sensibilisions la population à participer à la marche du 31 décembre pour réclamer une fois de plus le départ de Kabila en application de l’article 64 de la Constitution et de l’accord de la CENCO.

Nouvel an du 01 janvier 2018

Je l’ai passé une fois de plus et de manière successive à l’Agence Nationale des Renseignements, dans des conditions difficiles à expliquer. Loin des mes proches et sans savoir le sort qui m’était réservé.

Les 50 ans de ma mère, le 07 janvier 2018

Je lui avais promis d’organiser une belle célébration à l’occasion de ses 50 ans. C’était tombé à l’eau car j’étais entre les mains de Monsieur Kalev Mutond, l’Administrateur Général de l’ANR.

L’anniversaire de ma deuxième fille, le 26 février 2018

Elle venait d’avoir 2 ans,  loin de son père. J’avais passé 47 jours passé sans nouvelles d’elle.

27 février 2018

Le décès de ma grand-mère maternelle que je ne reverrai plus jamais. Paix à son âme.
Elle décède d’une maladie dûe aux soucis et à l’inquiétude qu’elle se faisait de ma disparition. Elle était sans nouvelles de moi depuis notre enlèvement du 30 décembre .

L’anniversaire de ma tendre épouse, le 03 Mai 2018

Je l’ai passé sur un lit d’hôpital,  assisté par elle. Je devais subir le soir même une intervention chirurgicale dans le bas du ventre à cause des lésions provoquées par des coups reçus le jour de notre enlèvement par des services le 30 décembre.

2 juillet 2018 matin

Je n’ai pas pu participer à la première proclamation de ma fille aînée en maternelle, car j’étais déjà incarcéré à la prison de Makala avec mes compagnons pour avoir défendu la Constitution et  exercé notre devoir de sensibiliser le peuple à se prendre en charge.

02 juillet 2018 Soir

Mon épouse accouche. C’est la naissance de mon premier fils que je n’ai pas pu voir et que je ne sais voir jusqu’aujourd’hui, car je dois finir le procès de la honte de ce régime qui nous accuse d’incitation à la désobéissance civile et outrage au chef de l’État.

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Demain le 15 Août 2018 je passerai mon anniversaire loin de la liberté, loin du nouveau né, mon petit garçon, loin de mes deux petites filles bien-aimées, loin de mon épouse, loin de ma mère et mon père, loin de mes proches amis, collègues et militants. Je passerai cette journée en méditation dans une cellule de la prison de Makala avec mes cinq compagnons entrain de méditer et préparer l’audience du 16 août 2018 qui nous attend avec force.

 

Nous n’avons que du sang, de la sueur, de larmes et de labeurs à donner pour que le CONGO sorte de sa misère et pour léguer à notre progéniture un CONGO fort et prospère qui favorise les valeurs fondamentales de liberté et de dignité.

Le texte est long, mais ça valait la peine, à mes yeux,  de vous le partager quand même.

L’activisme n’est pas un crime !

Merci pour vos souhaits et vos encouragements. La lutte continue et le peuple gagne toujours !

RESISTONS SEULEMENT.

Carbone BENI wa BEYA

Prison de MAKALA / Kinshasa

14 août 2018

 

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