– CRISE POLITIQUE EN RDC – Résistance et mobilisation populaire, moyens à privilégier pour faire échec à une nouvelle dictature.

– CRISE POLITIQUE EN RDC –                       Résistance et mobilisation populaire, moyens à privilégier pour faire échec à une nouvelle dictature.

« Lorsque les enjeux sont fondamentaux, qu’ils affectent des principes religieux, des libertés humaines ou le développement futur de toute la société, les négociations ne peuvent pas trouver une solution acceptable. Sur des questions fondamentales, il n’y a pas de compromis possible. Seul un changement radical des relations de pouvoir en faveur des démocrates peut assurer la sauvegarde des enjeux fondamentaux. Un tel changement s’obtiendra par la lutte et non pas par des négociations. Cela ne signifie pas que la négociation ne doive jamais être utilisée mais plutôt qu’elle n’est pas un moyen réaliste pour renverser une puissante dictature quand une forte opposition démocratique fait défaut.

C’est la résistance et non pas la négociation qui compte dans les conflits dont les enjeux sont fondamentaux. Dans presque tous les cas, la résistance doit continuer pour chasser les dictateurs du pouvoir. Le succès est le plus souvent déterminé non pas par un accord, mais par l’usage des moyens de résistance les plus appropriés et les plus puissants disponibles.»  

 Gene SHARP, De la dictature à la démocratie


Depuis le 20 décembre 2016, Joseph Kabila a épuisé le nombre de mandats présidentiels auquel lui donnait droit la Constitution de la République Démocratique du Congo. La ruse a pour l’instant permis à sa famille politique de retarder au  maximum le processus électoral.

Parmi les moyens utilisés, le piège des négociations a à nouveau fonctionné. Et pourtant, l’histoire politique de ce pays a démontré que dans la plupart des cas, les négociations n’ont jamais réussi à rompre la récurrence des crises de légitimité et d’instabilité mais au contraire l’entretiennent.

Face au camp présidentiel, l’opposition politique semble péniblement tenir le cap de ses révendications et des promesses faites à la population, notamment celle de l’alternance dès le 20 décembre 2016. Qui plus est, au fil des jours, des semaines et des mois qui s’écoulent, l’opposition a fait de nombreuses concessions inacceptables aux yeux d’une population qui aspire dans sa grande majorité au respect de sa Constitution.

Ce qui est en jeu derrière cette crise, au-delà  du rejet de tout le système Kabila, c’est fondamentalement la question du renforcement de la démocratie en RDC et de celle d’une gouvernance responsable soucieuse de l’amélioration des conditions de vie des populations.

Dans les lignes qui suivent, j’aimerais d’une part montrer combien les évêques catholiques et l’opposition congolaise sont responsables, avec la Majorité Présidentielle, de cette nouvelle crise politique qui se prolonge en République Démocratique du Congo. D’autre part, au regard du peu de crédit qu’offre encore toute la classe politique congolaise et de l’exaspération du peuple, j’ai la conviction que la résistance et la mobilisation populaire sont les moyens à privilégier pour parvenir à l’effondrement rapide de cette nouvelle dictature et au retour à l’ordre constitutionnel. 


CONSERVER LE POUVOIR : L’ASSURANCE (SUR)-VIE DU  REGIME KABILA

La famille politique de Joseph Kabila –la Majorité Présidentielle– est un patchwork de partis politiques ayant fait allégeance à Joseph Kabila. Une allégeance obtenue en contrepartie de faveurs mercantiles, de protection judiciaire, de nominations à des postes de pouvoir, etc. Autrement dit, la Majorité Présidentiel ressemble à un club de citoyens devenus riches, puissants et intouchables au milieu d’une population pauvre.

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Le rapport qu’elle entretient avec l’exercice du pouvoir est très constant : le conserver. Et pour y parvenir, plusieurs voies sont utilisées simultanément :

  1. Avoir le contrôle de toutes les institutions du pays (Parlement, justice, police, …)
  2. Entretenir la misère du peuple pour que les questions de survie soit une préoccupation permanente qui occulte le développement d’un esprit critique.
  3. Désinformer systématiquement la population pour éviter une prise de conscience.
  4.  Alimenter un sentiment de peur, d’impuissance et de résignation dans le peuple.
  5. Affaiblir et décrédibiliser l’opposition aux yeux de la population.
  6. Etouffer tout mouvement de jeunes appelant à un changement de système.
  7. Rendre effective l’impossibilité d’organiser les élections.
  8. Sortir du cadre constitutionnel pour limiter les contraintes des lois.
  9. Provoquer ou entretenir des conflits armés aux frontières ou à l’intérieur du pays pour détourner l’attention de l’opinion nationale.
  10. Présenter Joseph Kabila comme LE garant de la paix et le rempart contre le chaos.

Tout concourt ainsi à affaiblir toute résistance à l’intérieur du pays, capable de provoquer la chute d’un régime agonisant devenu autocratique et méprisé. Là où la résistance est faible, la dictature prospère dit-on.


JEU TROUBLE DES EVEQUES CATHOLIQUES DU CONGO : DE LA TRAHISON ET A L’IMPASSE.

Présente sur toute l’étendue du territoire national de la RDC, l’église catholique est une institution puissante, respectée et très active dans l’éducation, les soins de santé et l’assistance aux plus vulnérables. Près de 60 % de la population congolaise est de confession catholique.

Capture d_écran 2017-03-27 à 17.21.21En fin d’année 2016, l’implication des évêques catholiques dans la crise politique a rendu possible un accord qui a permis à Joseph Kabila de se maintenir en place en échange d’un partage du pouvoir avec l’Opposition, de la libération des prisonniers politiques, de la réouverture des médias de l’opposition et surtout de promesse d’organiser l’élection présidentielle en décembre 2017. Aux yeux de certains observateurs, cet accord aurait évité un embrasement du pays vers une situation incontrôlable. Cependant, ce même accord a étouffé la mobilisation de la rue en faveur du respect de la Constitution. Trois mois après sa signature, il n’y a eu aucune mise en oeuvre sérieuse des engagements pris par le pouvoir :  l’impasse est totale !

Connaissant la sournoiserie de la Majorité Présidentielle, la démarche de ces évêques qui avaient souhaité, quel qu’en soit le prix, un accord pose problème. En effet, malgré les milliers de vies humaines perdues pour combattre la dictature de Mobutu et malgré la mort des jeunes martyrs de la démocratie en janvier 2015 ou en septembre 2016, adopter une position trop conciliante à l’égard de ceux qui sont volontairement responsables de la crise qui prolonge la souffrance de notre peuple s’apparente à mes yeux à une trahison de ces évêques.

Trahison de l’esprit de la Constitution de 2006 parce qu’en acceptant que Joseph Kabila se maintienne au pouvoir au-delà de son mandat, l’accord parrainé par les évêques a craché sur la volonté de notre Constitution de rompre avec la récurrence des crises de légitimité et d’ouvrir la voie à l’alternance de l’exercice du pouvoir.

Trahison de l’aspiration du peuple à l’amélioration de ses conditions de vie et à une gouvernance responsable. Car en effet, en permettant à un groupe de citoyens de se placer au-dessus de la Constitution, au mépris de l’intérêt supérieur de notre nation, les « bons offices » des évêques ont tout simplement débouché sur un accord qui assassine le principe d’égalité de tous les congolais devant la Loi. Par conséquence, la souveraineté du peuple se retrouve aujourd’hui prisonnière d’un groupe d’individus au pouvoir.

Trahison de la mémoire de tous les martyrs de la démocratie fauchés parce qu’ils réclamaient le multipartisme, la démocratie, le respect de la Constitution ou encore parce qu’ils exerçaient leur liberté d’expression et d’opinion. L’irresponsabilité de ceux qui ont usé de la violence contre le peuple n’a pas été sanctionnée. Pire encore, c’est en toute impunité qu’ils conservent aujourd’hui les rênes du pouvoir. Que dire à l’orphelin, à la veuve  ou à toutes ces familles qui ont perdu un être cher ?

Aussi, interrogeons-nous sur cette paix que les évêques ont voulu à tout prix sauvegarder. Qu’est-ce donc la paix ? Se réduit-elle à une absence de guerre ou de crépitements de balles ? Si c’est cela, la RDC est globalement en paix.

Cependant, lorsque l’immense majorité de la population porte les chaines de la faim, de la misère, de l’injustice, de la peur permanente, peut-on encore parler de paix ? Ne s’agit-il plutôt d’une illusion de paix étant donné les répressions, l’absence de progrès social et l’injustice qui sont autant d’atteintes à l’intégrité des congolais ?

Pour avoir parrainé un accord qui ne repose ni sur le respect de la Constitution ni sur les valeurs de justice et d’égalité, les évêques catholiques se sont compromis. Ils ont capitulé face à ceux qui oppriment notre peuple : ils ont trahi le peuple congolais.


L’OPPOSITION CONGOLAISE  EGALEMENT RESPONSABLE DU CHAOS ACTUEL

Lutter contre une dictature est une entreprise longue et difficile. Les pièges tendus par le pouvoir sont nombreux et visent la dissolution de toute résistance. C’est la raison pour laquelle la résistance à la dictature doit être constante et permanente. C’est elle qui doit dicter la ligne de conduite de l’opposition. Dans le même ordre d’idées, « conciliation », « compromis » et « négociation » apparaissent comme autant de pièges utilisés par une dictature en face d’une opposition faible.

Depuis qu’elle a accepté de s’asseoir à la table des négociations, l’opposition congolaise a deçu et continue de decevoir de nombreux jeunes. La symbolique du carton rouge incarnait la rupture entre ces derniers et un système de gouvernance miné par l’incompétence, le clientélisme et les abus en tout genre.

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Le peuple congolais a pourtant fait part à l’opposition des lignes rouges à ne pas franchir  :

  1. Le respect de la Constitution est non négociable.
  2. Le respect de la durée et du nombre de mandat présidentiel est non négociable.
  3. La tenue des élections dans les délais constitutionnels est non négociable.

En signant, le 31 décembre 2016, un accord qui concédait toutes ces exigences légitimes, l’opposition s’est discréditée et a, comme les évêques catholiques, affaibli la pression populaire qui grandissait. Pour ne pas avoir eu le courage de rester ferme, son choix du compromis politique a rajouté du chaos au chaos. Elle qui avait appelé à manifester pour le respect de la Constitution quelques mois plus tôt, elle qui avait promis de ne pas reconnaître Kabila au-delà du 19 décembre 2016, elle s’est couchée sous la pression de la communauté internationale et du pouvoir de Kinshasa.

Comme le disait G. Sharp à propos des dictateurs, «Quoiqu’ils promettent, il ne faut pas oublier qu’ils sont capables de promettre n’importe quoi afin de soumettre leurs opposants démocrates, pour ensuite violer effrontément tous leurs engagements. »[1]


 

A QUAND LE SURSAUT PATRIOTIQUE DES OFFICIERS CONGOLAIS ?

« Y a-t-il encore des hommes dans ce pays ? », tel fut le cri d’une mère face à la persistance des violences dont sont victimes les populations congolaises, surtout celles de l’Est du pays.

Beaucoup de vérités ont déjà été dites sur l’armée congolaise : armée en déliquescence, armée infiltrée à différents niveaux de sa hiérarchie, armée fortement ethnicisée, … N’y revenons pas.

Cependant, bien que l’armée soit une institution apolitique, les officiers congolais ont prêté le serment de protéger les citoyens congolais, de sauvegarder les intérêts de la nation et de la protéger contre toute menace intérieure ou extérieure. La menace pour les citoyens congolais est aujourd’hui aussi à l’intérieur du pays : Arrestations arbitraires, intimidations, exécutions sommaires, détournements des biens publics et des salaires des militaires, etc. Alors, jusqu’à quand les officiers congolais resteront-ils impassibles à la détresse de nos mères et de nos enfants ?  Le courage et l’audace sont-ils devenus de mots vide de sens ?

Il ne s’agit nullement ici de faire l’apologie d’un quelconque coup d’Etat qui installerait de facto une nouvelle dictature. Il est question ici d’un appel à la responsabilité de protéger nos concitoyens et à la conscience patriotique de nos policiers, de nos militaires et de nos officiers. Ces officiers qui ont peur doivent oser défendre la justice, la liberté et les droits des citoyens congolais. Ils doivent soutenir les aspirations démocratiques de la jeunesse car le processus est irréversible. Le temps des dictatures est révolu, tournons la page.


CONCLUSIONS

Les victoires de Kabila.

Grâce aux négociations de « sortie de crise » –expression assez cinique vu le contexte– entamées depuis plusieurs mois, Joseph Kabila semble pour l’instant contenir  la contestation populaire. La stratégie adoptée a été payante :

  • Une Opposition congolaise globalement divisée
  • Un « Rassemblement » des forces acquises au changement affaibli
  • Une population qui ne croit plus à l’intégrité de sa classe politique
  • Des mouvements de jeunes  se méfiant désormais de l’opposition

Ainsi, la résistance interne effondrée, la dictature de Kinshasa peut à nouveau profiter d’un temps de répis pour affiner ses stratégies de maintien en place.

Arrêter les négociations.

Comme vu précédement, la faiblesse et l’inconstance de l’opposition actuelle font de la négociation un moyen inefficace et inadéquat pour un dénouement réel de cette nouvelle crise politique. Tant que le régime ne sera pas réellement mis sous pression, entendons par là qu’il se sente menacé par l’imminence de son effondrement, les négociations ne seront que leurre. Il faut donc le plus rapidement possible arrêter les négociations et remobiliser toutes les dynamiques internes de résistance citoyenne.

Miser sur la résistance interne et sur la mobilisation populaire.

La sensibilisation et la remobilisation de la population doivent être une priorité pour les partis d’opposition, la société civile et les mouvements des jeunes. Il faut à nouveau créer une pression populaire très forte, obligeant à un retour immédiat à l’ordre constitutionnel et à l’effondrement de cette jeune dictature. Cette mobilisation doit passer par les villages, les villes, les églises –la Cenco doit y jouer un rôle- les universités, les militants des partis politiques, les actions des mouvements des jeunes tels que LUCHA et FILIMBI. Ce point est capital car il permettra d’augmenter la résistance à l’intérieure du pays et la défiance nécessaire au changement vers plus de démocratie.

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Repenser nos rapports avec la Communauté internationale.

L’opposition congolaise, la société civile et les mouvements des jeunes doivent sérieusement modérer leurs attentes vis-à-vis de l’Europe ou des Etats-Unis. Plus important encore, ils doivent en permanence garder à l’esprit que le nationalisme africain fait peur et sera toujours combattu au nom des intérêts de l’Occident.  Musibono Eyul’anki pour sa part parle d’une « stratégie criminelle de la télégouvernance qui plonge tout un Etat dans une misère et une pauvreté absolues chroniques par la pseudo-démocratie imposée à partir de l’extérieur. Une mascarade qui consiste à propulser au sommet de l’Etat des dirigeants fabriqués par des racistes affairistes maffieux qui n’ont pour seul intérêt que l’accès rapide et facile aux richesses du pays. Des dirigeants sans vision claire ni projet de société autour desquels on crée des mythes où tout est fait pour montrer qu’ils travaillent bien  alors qu’ils sont incapables d’établir clairement aucun bilan à la fin de chaque exercice budgétaire[2] ».

Par ailleurs, dans un monde devenu multipolaire avec la montée en puissance de la  Russie et de la Chine, les  dictatures africaines ont compris que l’Europe et les Etats-Unis ne sont plus les seuls maîtres du jeu. Ils peuvent se permettre, dans une certaine mesure, de jouer au bras de fer avec l’un ou l’autre partenaire.

Enfin, à force d’appliquer systématiquement une politique de deux poids deux mesures guidée par ses intérêts à l’égard des pays africains, la communauté internationale s’est compromise et ne me semble plus être un interlocuteur sur qui reposer les espoirs des changements où l’Afrique profitera d’abord aux africains, politiquement et économiquement.

Comme le dit si bien G. Sharp : « La libération des dictatures dépend finalement de la capacité des peuples à se libérer eux-mêmes[3]. »

Les congolais n’ont donc pas d’autres choix que de résister, de se mobiliser et de défier cette nouvelle dictature pour espérer un retour rapide à l’ordre constitutionnel nécessaire à une vraie démocratie : le pouvoir du peuple, par le peule et pour le peuple !

Dr Didier KAMIDI OFIT


[1] Gene Sharp, De la dictature à la démocratie, p.36

[2] Jean Jacques Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa : radioscopie de la force publique aux FARDC, p.42

[3] Gene Sharp, De la dictature à la démocratie, p.30

 

LA DESOBEISSANCE CIVILE ET L’INSURRECTION POPULAIRE COMME ACTES FONDATEURS D’UN NOUVEL ORDRE EN RDC ?

LA DESOBEISSANCE CIVILE ET L’INSURRECTION POPULAIRE COMME ACTES FONDATEURS D’UN NOUVEL ORDRE EN RDC ?

La frustration du peuple congolais face aux injustices de ceux qui le gouverne a toujours été le moteur des révoltes qui sont survenues dans l’histoire de notre Nation comme des soubresauts inattendus. Des jeunes sont montés aux fronts, défiant les pouvoirs tyranniques du colonisateur et de la dictature. Ils ont payé de leur vie pour que la Nation aspire un jour à la liberté, à la dignité et au bonheur. Loin de penser qu’ils sont morts en vain, j’ai l’intime conviction que le sacrifice de ces héros connus ou anonymes nous donne aujourd’hui la force de poursuivre la lutte contre l’oppression et l’assujettissement de notre peuple, un peuple devenu la risée du monde. Le sang versé de nos frères et sœurs coule à travers ces lignes. Ce sang nous crie de ne plus nous taire, de vaincre la peur et de nous tenir debout.


INTRODUCTION

Face aux crises récurrentes, les dialogues sont désormais inadéquats tant la perpétuelle trahison de l’élite au pouvoir est violence contre ce peuple appelé à survivre au quotidien. Un groupuscule tout puissant jouit seule de tous les privilèges et de tous les droits. A l’instar des autres peuples du monde, le peuple congolais, est appelé à désobéir à cette minorité tyrannique au pouvoir et de se soulever contre elle pour se réapproprier sa souveraineté.

D’après Ch. Di Cintio, la « désobéissance civile » est une « infraction volontaire, intentionnelle et publique d’une loi ou d’un règlement, destinée à alerter les autres citoyens sur le déficit de sens, l’aveuglement au Bien public, d’une loi ou d’une mesure politique. Elle signifie que l’on a porté atteinte, non aux convictions privées des individus, mais aux valeurs légitimant le pacte social et/ou la citoyenneté. »[1]

D’après Larousse, l’« insurrection populaire » est « le soulèvement du peuple contre un pouvoir établi ou une autorité pour le renverser ». A l’inverse de la désobéissance civile qui est essentiellement non violente, l’insurrection peut être violente ou non.


LA RDC : DE CRISES EN CRISES, D’ACCORDS EN ACCORDS.

Notre pays traverse depuis plusieurs décennies une crise multiforme caractérisée par une crise sociale grave, par une instabilité économique et politique et par une crise intellectuelle et morale sans précédent. La récurrence de ces crises traduit l’immense détresse que vit notre peuple parce que son aspiration à la liberté, à la dignité, à paix et à la justice reste inassouvie.

Pour briser ce cycle sans fin, la RDC va aller de dialogues en dialogues et d’accords en accords tel qu’illustré dans les lignes suivantes :

  • 07 août 1991 : Ouverture de la Conférence Nationale Souveraine[2]
  • 10 juillet 1999 : Signature de l’Accord de Paix de Lusaka (Zambie). Un cessez-le-feu entre les six pays impliqués dans la guerre en RDC.
  • 30 novembre 1999 : La résolution 1279 du Conseil de sécurité de l’ONU autorise la création de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC). 
  • 15 octobre 2001 : Ouverture officielle du dialogue intercongolais à Addis-Abeba, en Ethiopie. Il doit régler le volet politique de l’accord de Lusaka
  • 25 février 2002 : Ouverture des négociations à Sun City (Afrique du Sud) pour élaborer un accord sur le régime de transition à mettre en place avant les élections. Un accord partiel de partage du pouvoir est conclu.
  • 30 juillet 2002  : Accord entre la RDC et le Rwanda signé à Pretoria (Afrique du Sud).  
  • 6 septembre 2002  : Accord entre la RDC et l’Ouganda signé à Luanda (Angola)
  • 2 avril 2003 : Clôture et signature de l’ « accord global et inclusif» du dialogue intercongolais à Sun City (Afrique du Sud) qui débouche sur le partage du pouvoir pendant une période de transition de deux ans entre Joseph Kabila et quatre vice-présidents issus du gouvernement, des deux principaux mouvements rebelles (MLC et RCD-Goma), de l’opposition non armée et de la société civile.
  • 4 avril 2003 : Promulgation de la Constitution de transition.  
  • 18 février 2006 : Promulgation de la Constitution de la 3è République
  • 25 février 2013 : Signature de l’Accord-cadre sur la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et les pays de la région, aussi appelés Accords d’Addis Abeba[3]
  • 07/09/2013 : Ouverture des travaux des Concertations Nationales à l’initiative de Joseph Kabila pour consolider la cohésion nationale.

Paix et sécurité sont des thèmes récurrents de ces accords. Ils sont des préalables indispensables à tout développement et à l’amélioration du bien-être de nos populations.   Or, nous assistons à une trahison systématique de ces accords par ses signataires, ceux-là même supposés les faire respecter et qui nous gouvernent. Cette trahison est à la base d’une frustration qui couve et qui s’exprime aujourd’hui par un ras-le-bol généralisé.

 

 

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Un peuple sous le joug de la tyrannie.

Un tyran est un individu disposant d’un pouvoir absolu. C’est un homme qui s’empare illégalement ou illégitimement du pouvoir, le conserve au mépris des lois et règne par la terreur.

Un régime tyrannique est un régime qui ne respecte donc pas les libertés individuelles et sur lequel le peuple n’a aucun contrôle[4]. Or, le régime actuel au pouvoir en RDC viole quotidiennement les droits humains en toute impunité. De nombreux rapports nationaux et internationaux existent sur des cas d’assassinat ou de répression violente de nos populations. Notre peuple sans conteste vit sous le joug de la tyrannie !

Cette minorité tyrannique qui soumet notre peuple par la violence porte un nom : la Majorité Présidentielle. Elle s’est accaparé le contrôle de toutes les institutions du pays et concentre dans ses mains tous les moyens répressifs de la République. Pire encore, elle ne recule devant aucune loi. Elle la contourne, la modifie ou passe en force sous l’œil complaisant de la Cour Constitutionnelle. Elle s’est placée au-dessus de notre pacte sociale commun : la Constitution. Désormais, elle ne se soumet plus à ses lois. Au contraire, c’est désormais la  Constitution qui s’adapte aux désirs de la Majorité Présidentielle.

Ainsi, lorsqu’un groupe de citoyens se place au-dessus de la Constitution, non seulement il nie intrinsèquement le principe d’égalité entre tous les citoyens mais surtout il rompt le pacte social. Il devient dangereux car n’a plus de pouvoir opposable à celui que lui détient. Il crée la loi, modifie la loi, exécute la loi et sanctionne ! Il devient un ennemi de la nation.

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La violence de ce régime et de tous ceux qui l’ont précédé est avant tout une violence structurelle en ce sens qu’elle est engendrée par les structures politiques, économiques et sociales, qui créent des situations d’oppression, d’exploitation et/ou d’aliénation[5]. Les rapports internationaux ne cessent de démontrer la situation dramatique qui caractérise notre pays : les objectifs du millénaires pour le développement n’ont pas été atteints[6], la RDC est en queue de peloton dans le classement de l’index de développement humain[7], en terme de corruption, la RDC occupe la 154è place sur 174 en 2015.[8] !

Plus sournoise, cette violence structurelle omniprésente en RDC tue plus que toutes les violences directes et opprime nos populations tout au long de leurs vies.

Face à une telle violence structurelle ou directe, la plus cruelle des injustices ne serait-elle pas de ne pas reconnaître à notre peuple le droit de se soulever contre elle et contre ceux qui  la génèrent ? Comme le disait M. Robespierre : « Jusqu’à quand la fureur des despotes sera-t-elle appelée justice, et la justice du peuple, barbarie ou rébellion ? »[9]

Voies préconisées par la « communauté internationale ».

Quel que soit le conflit auquel doit faire face le peuple congolais, quelle que soit l’ampleur des crimes contre l’humanité commis sur notre population, quelle que soit l’oppression du régime sur nos citoyens et quelles que soient les violations des droits et libertés individuelles, l’Occident et l’ONU préconisent invariablement aux congolais la voie du dialogue comme moyen de résolution des crises.

Et pourtant, force est de constater que dans un certain nombre de pays, la « communauté internationale » recourt à des moyens radicaux lorsqu’il s’agit d’assurer ou de protéger ses intérêts. Le cas de l’intervention contre le régime Kadhafi, pour ne citer que celui-là est éloquent. Autorisée par la résolution 1973 de l’ONU pour « protéger les populations civiles », le bilan se dresse à 8000 raids aériens, 30.000 bombes larguées, 60.000 morts côté libyen, aucun mort côté OTAN[10] et un pays en ruine. Comme en Lybie, dans la plus part des pays où est intervenue la communauté internationale, c’est le chaos qui s’en est suit. Un dialogue n’eût-il été préférable pour épargner les civiles innocents ?

En nous proposant invariablement des solutions que sa propre population n’aurait certainement jamais acceptées chez elle, la « communauté internationale » ne considère pas à sa juste valeur ni les aspirations de notre peuple, ni la détresse qu’il endure au quotidien.  En nous demandant de dialoguer ou de signer des accords avec des personnes rendues coupables de graves violations du droit et de crimes de masse, n’est-ce pas l’amnistie des bourreaux et le dénie de justice aux victimes que l’on promeut ? Comment sortir d’un cycle de violence récurrent lorsque la justice n’est pas rendue aux victimes ?

Outre les résolutions des Nations Unies, la « communauté internationale » propose à notre peuple de recourir aux « voies légales » internes pour résoudre les crises. Dans la mesure où les institutions sont inféodées au pouvoir tyrannique, et que le système judiciaire est déficient, que pouvons-nous attendre d’une telle recommandation ? Puisque ces voies légales de recours sont verrouillées, le peuple congolais a-t-il un autre choix que celui de se soulever ?

Les chemins préconisés par la « communauté internationale » semblent finalement n’être que des chemins de traverse conduisant à l’enlisement et non à la résolution durable des crises. Alors, pourquoi persévère-t-elle dans ces voies ?


VERS LA DESOBEISSANCE CIVILE ET L’INSURRECTION POPULAIRE ?

« La violence est un ultime recours. Si les représentants du peuple et les lois qu’ils édictent sont illégitimes, si les bases de la souveraineté sont faussées et que l’Etat crée le trouble, la question du recours à la violence peut se poser. » Hervé Ott.

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En RDC, la minorité au pouvoir, composée des membres du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire, a le contrôle de toutes les institutions de la République. Aucune loi édictée ne va à l’encontre de sa volonté et de celle de son « autorité morale », Joseph Kabila. Et même lorsque certaines lois mettent en péril la stabilité du pays et  la cohésion nationale, elles sont adoptées en dépit du bon sens. Ainsi, il n’est pas rare que certaines lois posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. C’est le cas par exemple de la loi portant sur le découpage territoire et le passage à 26 provinces administratives[11]. Elle fut adopté sans que les préalables indispensables au fonctionnement et à la viabilité de ces nouvelles provinces aient été mis en place. Une aberration.

Par ailleurs, la modification de la Constitution en touchant à ses articles verrouillés est désormais en fait accompli. Avec la complicité de la Cour Constitutionnelle acquise à sa cause, cette minorité tyrannique poursuit dans son élan. La violation de la Constitution est aujourd’hui avérée avec le report des élections au-delà de l’année 2016 et le maintien en place de Joseph Kabila malgré la fin de son deuxième et dernier mandat. Clairement, la souveraineté a été confisquée au peuple.

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Enfin, cette minorité au pouvoir n’est pas du tout inquiétée quels que soient par les abus de droits récurrents dont ses membres se rendent coupables : arrestations extra judiciaires, détentions illégales, détournement des deniers publics, corruption. Ils sont intouchables. Ils violent eux-mêmes, en toute impunité, les lois qu’ils sont supposés faire respecter. Ceci plonge le pays dans une insécurité juridique très grave.

Lorsque l’on est face à un tel régime, complètement verrouillé, ne devant sa survie qu’à la violence et à la répression (en hausse[12]) qu’elle exerce sur  la population, le recours à la violence pour s’en défaire est non seulement légitime mais devient une question de responsabilité. Comme le dit si bien Muller : « celui qui se soumet à une loi injuste porte une part de la responsabilité de cette injustice[13]. »

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1793 indique que : « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs[14] ». Ne sommes-nous pas arrivés à un moment de notre Histoire où la question de la survie de notre nation ou de sa refondation se pose avec acuité ?

Le peuple congolais a aujourd’hui et plus que jamais le devoir de désobéir à la tyrannie d’un groupuscule au pouvoir. C’est d’autant plus vrai que le système est verrouillé, que les moyens pacifiques de contestation deviennent anachroniques et que la répression violente des droits et libertés ne s’impose plus aucune limite.

Le peuple congolais a la responsabilité de protéger sa liberté, sa souveraineté et ses droits de la folie d’une minorité violente et tyrannique.

Le peuple congolais est à la croisée des chemins entre un ordre ancien vicié et un ordre nouveau à inventer pour son bonheur et pour celui des générations futures.

A propos de cet ordre nouveau, M. Robespierre disait ceci :  « Nous voulons substituer, dans notre pays : la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, les charmes du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant et heureux à un peuple aimable, frivole et misérable. »

Didier  KAMIDI  OFIT

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[1] Petit traité de désobéissance civile, Chloé Di Cintio, p.10

[2] http://www.congonline.com/Forum1/Forum01/Kabambi01.htm

[3] http://www.globalr2p.org/media/files/au-peace-and-security-drc.pdf

[4] Larousse

[5] Galtung, J. (1969). « Violence, peace and peace research ». Journal of Peace Research

[6] http://alohanews.be/politique/les-omd-en-rdc-quels-progres-lapproche-2015

[7] http://hdr.undp.org/fr/countries/profiles/COD

[8]http://afrique360.com/2015/06/09/classement-2015-des-pays-les-plus-corrompus_60484.html

[9] Robespierre, la probité révoltante. C. Obligi, p. 108

[10] http://www.legrandsoir.info/30-000-bombes-60-000-morts-une-sacree-mission-humanitaire-counterpunch.html

[11] http://www.voicesofyouth.org/fr/posts/r-d–congo—la-loi-sur-les-26-provinces-r-jouit-et-divise—
[12] http://cd.one.un.org/content/unct/rdc/fr/home/actualites/CPTestX211.html

[13] Muller (J-M), Stratégie de l’Action non-violente, op. cit., p.64

[14] Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, art. 35

Alternance politique en RDC : Peut-on faire du neuf avec du vieux ?

Il y a quelques jours, l’ex gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a été désigné comme candidat du G7 (groupe de 7 partis politiques ayant quitté la famille politique de Joseph Kabila : la Majorité Présidentielle) à la prochaine élection présidentielle en RDC. En effet, pour ceux qui suivent l’actualité politique congolaise de près, cette annonce était plutôt attendue […]

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Alternance politique en RDC : Peut-on faire du neuf avec du vieux ?

Alternance politique en RDC : Peut-on faire du neuf avec du vieux ?

Il y a quelques jours, l’ex gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a été désigné comme candidat du G7 (groupe de 7 partis politiques ayant quitté la famille politique de Joseph Kabila : la Majorité Présidentielle) à la prochaine élection présidentielle en RDC. En effet,  pour ceux qui suivent l’actualité politique congolaise de près, cette annonce était plutôt attendue et logique. Aussi, elle a eu le mérite de provoquer quelques réflexions sur l’avenir politique de la République Démocratique du Congo.


Moïse Katumbi, fin stratège  ?

Moïse Katumbi a  des atouts incontestables. Sans prétendre tous les connaître, nous pouvons en citer quelques uns.

C’est avant tout un enfant du Katanga. Bien que démembrée, cette province  pèse lourd sur l’échiquier politique de la RDC, sur son économie  et sur son poids démographique notamment en terme d’électorat. Cette appartenance katangaise lui confère un avantage non négligeable. Il serait richissime, et aurait une solide expérience dans le monde des affaires. Gouverneur du Katanga pendant plusieurs années et ancien membre du PPRD (le parti de Joseph Kabila), son expérience est également politico-administrative. Enfin, il est jeune, dynamique et très populaire.

Cependant, de nombreuses faiblesses entourent sa personnalité politique.

Il a été un soutien indéfectible de Kabila lors des scrutins présidentiels de 2006 et 2011, qualifiés de chaotiques. Alors que les partis d’opposition criaient à la fraude, sa fidélité a en partie permis à Kabila de se maintenir au pouvoir malgré des irrégularités compromettant la crédibilité des deux derniers processus électoraux. On pourrait dire, comme pour de nombreux politiciens congolais, qu’il a « fait » Joseph Kabila.

A ce jour, on ne lui connaît aucun véritable programme politique, ni projet de société clair, planifié et réaliste répondant aux défis actuels de la RDC. Quelles sont les priorités, comment les atteindre et avec quels moyens ? C’est le floue, le silence.

Aussi, de nombreuses personnes s’interrogent sur sa probité dans la gestion des contrats financiers au Katanga. Si d’aucuns pensent que sa richesse est un rempart contre la tentation de l’enrichissement personnel, d’autres au contraire s’inquiètent d’avoir à la tête de l’Etat un homme qui serait tenté de s’enrichir davantage ou de soumettre davantage l’économie du pays aux intérêts capitalistes étrangers.

Enfin, sa désignation par le G7 ne semble pas indiquer qu’il y aura une véritable rupture avec le système actuel. Les membres du G7 appartiennent à cette catégorie de politiciens congolais qui ont soutenu Kabila en dépit de la grave crise de légitimité entourant sa ré élection depuis 2011 et en dépit de toute la violence de ce régime qui a vu une minorité s’enrichir ostentatoirement au détriment de l’immense majorité de la population qui vit dans des conditions infra humaines, voire animales.

Tenant compte de ce qui précède, on peut poser l’hypothèse que la stratégie actuelle de Moïse Katumbi comporte au-moins les deux aspects suivants :

-se présenter comme « l’alternative » la moins pire ou la plus crédible à Joseph Kabila. En effet, à l’instar du vieux Tshisekedi, Katumbi est un homme d’affaire jeune, dynamique et riche. Pour booster sa popularité, il manie très habilement  religion et  football (une « autre religion »). L’occupation de l’espace médiatique est parfaitement maîtrisée, en témoigne sa présente sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision.

-apparaître comme  le « rassembleur » de l’opposition congolaise. A cet effet, les différents contactes entrepris avec les dirigeants des partis d’opposition peuvent être de sérieux indices.

Si Moïse Katumbi réussit à revêtir ces deux costumes, ce sera un réel coup gagnant pour doper sa stature de présidentiable.

 L’opposition congolaise sous pression ?

L’entrée en scène de Moïse Katumbi a déstabilisé encore un peu plus une opposition congolaise en quête d’unité et en manque d’un véritable meneur !

Du côté de l’UDPS,  Etienne Tshisekedi, vieux et convalescent, peine à tenir les rênes de son parti, l’UDPS. Cacophonies, doutes, contradictions ou démissions témoignent d’une réelle crise de leadership au sein du parti. Tous les appels des cadres à un congrès national du parti pour des réformes efficaces et pour régler l’épineuse question de la succession de Tshisekedi sont restés lettre morte. Etienne Tshisekedi ne semble pas prêt à passer la main et pourtant, handicapé par l’âge et la maladie, il n’incarne plus cet homme capable de porter un combat politique d’envergure, fussent-ils ceux du respect de la Constitution, de l’alternance ou de la présidence de la République.

Nous rappelant les conséquences sur la politique nationale des choix tactiques de l’UDPS en 2006 (non participation aux scrutins législatifs et présidentiels) et en 2011 (participation en rejetant une candidature unique de l’opposition), on peut imaginer l’UDPS sous pression. Va-t-elle accepter l’idée d’une candidature unique pour toute l’opposition et dans quelles conditions ? L’UDPS est-elle capable de s’aligner derrière un candidat autre que Tshisekedi ?

Pour l’ensemble de l’opposition congolaise, la désignation de Katumbi comme candidat du G7 fait remonter en surface toute la méfiance,  toutes les suspicions et le souvenir de toutes les compromissions qui ont été à la base de l’incapacité de la classe politique congolaise d’apporter des changements significatifs dans la vie du peuple depuis 1990, année du multipartisme.

La désignation de Moïse Katumbi renvoie aujourd’hui toute cette classe politique congolaise à la question essentielle de sa maturité. Non qu’il faille s’allier avec n’importe qui pour battre un adversaire commun, mais plutôt sur sa capacité à travailler ensemble pour un intérêt commun suprême : celui de voir ce peuple enfin vivre pleinement et dignement.

Moïse Katumbi, un allié objectif de l’opposition ?

Le tout est avant tout de savoir ce que cache le mot « opposition ».

Pour une partie de la population congolaise, en ce compris de nombreux hommes politiques,  l’opposition se conçoit comme le rejet  de l’individu Kabila.  Kabila serait le noeud la cause de tous les maux du Congo. L’incarnation de l’échec d’une nation. Vu de cette manière,  Katumbi pourrait devenir  un allié objectif pour le remplacement de Kabila. On ne touche pas trop au système en place, ni à ceux qui gouvernent et on ne remplace que la tête. Les prescrits constitutionnels portant la limite à deux mandats présidentiels pour un président seraient respectés.

Pour une autre frange de la population,  s’opposer sous-entend l’idée du rejet absolu du  système politique actuel en tout ce qu’il a de mafieux, de cleptomane, de corrompu, d’injuste, de répressif, d’anti progrès et d’assujettissement aux dictats occidentaux.  Rompre avec ce système et le remplacer par un autre, plus social et plus juste, respectant les libertés fondamentales et répondant aux préoccupations légitimes de la population, cela devrait être l’essence même de toute opposition. Par conséquent, vu sous cet angle, il est difficile  de parier, à ce stade, que Moïse Katumbi soit le candidat idéal, ni par ailleurs Vital Kamerhe, Felix Tshisekedi, Martin Fayulu, Matungulu, etc. Seuls l’exercice de la fonction et la réalisation des projets de société pourraient donner des éléments de réponse à ces questions.

Vers une « bipolarisation » de l’espace politique congolais ?

Au vu du tableau actuel proposant un large regroupement des partis d’ « opposition », serions-nous aux prémisses d’un jeu politique congolais dans lequel la  coalition des partis d’opposition s’impose en solution pour « déboulonner » un autocrate ? Une sorte de  bipolarisation qui consisterait à mettre face à face les partisans d’un régime récalcitrant à ceux de l’alternance démocratique et constitutionnelle.

Cette bipolarisation de l’espace politique en période électorale soulèverait le défi pour l’opposition de pouvoir se rassembler autour d’un candidat unique, ce qui n’est pas sans apporter son lot de crises pré et post électorales.

Peut-on vraiment faire du neuf avec du vieux ?

Les tares de la société congolaise actuelle sont connues : corruption, injustice, détournement, répression, assassinat, enrichissement illicite, … Présentes depuis près de 50 ans, elles ne semblent pas reculer. Au contraire, elles touchent même les enfants dès leur plus jeune âge. Et même la plupart des musiciens en sont devenus de malheureux chantres.

Les acteurs politiques de ces dernières décennies n’ont pas été, dans leur grande majorité,  des exemples de probité morale pour le peuple. Quasi tous ont participé aux systèmes  « tarés » de Mobutu, puis de Kabila. Un exercice simple consiste à suivre, de manière individuelle, les parcours politiques de ceux qui paradent aujourd’hui au devant de la scène politique congolaise et à les analyser. On se rend très vite compte qu’ils reproduisent les mêmes maux et les mêmes vices, aidés par une sorte d’amnésie collective d’un peuple à la mémoire courte et toujours prompt à pardonner!

En conclusion, il semble difficile de croire à un renouveau du Congo avec la classe politique actuelle. La véritable rupture devra être avant tout idéologique puis sociale avant d’être politique. Et cette idéologie nouvelle devra prendre corps en chacun des membres de la nouvelle génération de dirigeants congolais. L’instruction et l’éducation restent sans conteste des moyens obligés pour y parvenir car elles permettent d’inculquer au citoyen, dès son plus jeune âge, ces valeurs essentielles à la construction d’une nation : le patriotisme, le respect du bien commun, la quête de l’intérêt général et la responsabilité collective des citoyens.

Didier Kamidi Ofit

09/04/2016